lundi 6 février 2012

Les Erythréens


Cet édito nous rappelle combien la situation dans la corne de l'Afrique est dramatique. Cependant, il est souvent plus facile d'être solidaire quand les drames sont lointains. Et comme dirait l'autre : "loin des yeux, près du cœur ; près des yeux, loin du cœur".

En effet, sans cesse les médias et les politiques évoquent les situations dramatiques qui se jouent ailleurs tout en restant aveugles et sourds à ce qui se trame ici et maintenant. Le sort des demandeurs d'asile venus de l'Afrique de l'Est est à ce titre révélateur.

Ici même, à l'échelle locale, leurs droits sont bafoués. Non domiciliation, demande d'asile parfois impossible à déposer, conditions matérielles d'existence non versées, hébergement non assuré... Et pourtant le droit d'asile est un droit fondamental et inaliénable, encadré par des textes internationaux.

Editorial Ouest-France Dimanche 05 février 2012

Il faut sauver l'Érythrée

Tandis que la Syrie vit le martyre et que Bachar el Assad nargue une communauté internationale impuissante, le président Saleh a quitté le Yémen sans faire trop de bruit, pour aller se faire soigner aux États-Unis. Après une trentaine d'années de règne, il a préféré éviter le sort de ses camarades dictateurs tombés au printemps dernier... Juste en face du Yémen, il en est un autre qui ne fait pas parler de lui. C'est pourtant l'un des hommes les plus sanguinaires du continent africain : depuis sa capitale Asmara, le président Issaias Afeworki règne sans partage sur l'Érythrée, petit pays au bord de la Mer Rouge, aux confins du Soudan et de l'Éthiopie, dans cette corne de l'Afrique accablée de malheurs.

Et pourtant, l'histoire avait presque bien commencé : ce maquisard en sandales venu des hauts plateaux a incarné un espoir de libération, nourri qu'il était de ses études en Chine à l'école de la révolution culturelle... Mais ses idéaux ont bien vite été pervertis par l'absolu de son pouvoir. Le chef de guerre, héros rendu populaire par son combat contre l'Éthiopie pour l'indépendance, est devenu un monstre. Il a transformé son pays de cinq millions d'âmes en camp du cauchemar : un pays bâillonné par la terreur et mis en coupe réglée...

L'Érythrée d'aujourd'hui est à la fois une caserne et un camp de travaux forcés sous la férule impitoyable de ce président ubuesque aux manières d'empereur fantasque. Le parti est forcément unique et son armée pratique la razzia, les hommes sont torturés et les adolescentes sont réduites en esclavage sexuel. On y est bourreau ou victime.

L'horizon ne laisse entrevoir que l'exil pour échapper à l'arbitraire. Un million d'habitants a déjà pris la fuite ! Avec Reporters sans frontières, Léonard Vincent a recueilli la parole de ces migrants qui ont défié le désert et la mer. Son récit hallucinant fait froid dans le dos (1) car sa réalité défie l'imagination. Au-delàdu sordide, il fait entendre la voix de ceux qui prétendent au développement et à la démocratie dans ce bout du monde entre le sable et l'eau. Nous devons les écouter. Leur combat a besoin de nous. Les insoumis doivent pouvoir s'appuyer sur notre indignation et bénéficier de notre compassion.

Pour l'heure, le déficit d'émotion est international. La France n'est pourtant pas loin avec ses troupes basées à Djibouti mais nous regardons ailleurs. L'Europe avance des fonds perdus et a bien d'autres chats à fouetter. La Chine et la mafia calabraise font des affaires. Et Issaias Afeworki continue de faire ce qu'il veut. Qui donc sauvera l'Érythrée de l'indifférence ?

(1) Les Érythréens,
Léonard Vincent,
Rivages, 245 pages

http://www.ouest-france.fr/actu/editorial_-Il-faut-sauver-l-erythree-_3632-2040740_actu.Htm 

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