mardi 20 novembre 2012

Angers : Lettre ouverte au Préfet

 
 

Les propos du nouveau préfet nous ont profondément choqués par le mépris à peine dissimulé qui les sous tend, non seulement vis à vis des demandeurs d'asile qui ne seraient que des touristes en goguette profitant et abusant de l'humanisme des préfectures ( !!? ) mais aussi des français jetés à la rue; nous lui répondons par la même voie médiatique qu'il a employé; nous n'avons pas tout relevé de ces propos notamment sur l'abus et le détournement de la procédure prioritaire, de l'illégalité des "obligations à quitter le territoire" qui en sont la conséquence alors même que la Cour européenne de Strasbourg les a condamnées dans un arrêt du 02 février 2012; du refus de discuter sérieusement de la réquisition des immeubles vides comme alternative directement applicable avec la mairie et ses SEM - la sénatrice C. BOUCHOUX a recensé pas moins de 3000 logements vides sur ANGERS -, de l'augmentation du budget "accompagnement", amputé de 64% en 2008... Bref, de toutes ces mesures administratives et financières qui s'opposent à une véritable politique d'accueil.

"Liberté, égalité, fraternité" ; les sans culottes seraient-ils montés à l'assaut des despotismes européens s'ils n'avaient eu une conscience aiguë de la portée universelle de ces mots ?

Puissent les politiques et décideurs de ce pays méditer cette question... 

Ci-dessous : la lettre ouverte 



Angers, le 20 novembre 2012

Lettre ouverte en réponse aux propos de Monsieur le Préfet de Maine et Loire - représentant de
la République, et garant de l’état de droit dans ce département - rapportés par le journal « Le
Courrier de l’Ouest » du 17 novembre 2012 ans un article intitulé « Réfugiés : l’Anjou est trop
attractif ».

Monsieur le Préfet,

La Convention de Genève dont la France est signataire, les Directives Européennes, en
premier lieu la directive 2003/9 dite « accueil » que la France se doit de respecter, le règlement
343/2003 dit « Dublin », dont la France est également signataire, sont parfaitement clairs et
explicites. Les conditions matérielles d’accueil sont des obligations légales, dues à toute
personne en demande d’asile.

Vos propos sur ces profiteurs de nuitées d'hôtel sont choquant à plus d'un titre ; d'abord
et avant tout car c'est précisément votre rôle de représentant de l'Etat de satisfaire ces besoins
élémentaires pour tout être humain.

Ensuite, parce que ces nuitées d'hôtel sont la mauvaise réponse que les préfectures
ont toujours donné à une urgence qui aurait pu être anticipée par une réelle politique
d'accueil .

Troisièmement, ces chambres d'hôtel qui épuisent prématurément le budget d'accueil
pourraient être évitées par une véritable volonté d'accueillir les demandeurs d'asile dans
des appartements adaptés à leurs besoins élémentaires comme de se faire la cuisine, pouvoir
se laver ou dormir à l'abri.

Les demandeurs d'asile, si vous leur demandiez leur avis, vous diraient qu'eux non plus
n 'aiment pas l'hôtel. Cela rend d'autant plus grotesque ces soi-disant coups de téléphone en
Europe et Afrique de l'Est invitant toute la misère du monde dans les hôtels angevins. Cette
façon de considérer les demandeurs d'asile comme des touristes radins a quelque chose
d'insultant pour ces milliers de disparus en Méditerranée tentant de fuir leur pays ! C'est
également faire table rase de l'histoire de l'asile à travers le temps.

Les gens en demande d’asile se retrouvent à la rue, non parce qu’ils seraient trop
nombreux, et menaceraient de provoquer une invasion, comme vos propos tendraient à le
suggérer, mais bien plutôt, parce que les places dévolues à cette fin ont ces dernières années
été fermées en très grand nombre ( réduction de 46 % du budget prévisionnel des
hébergements 2008), par décisions politiques des précédents gouvernements. Décisions, dans
lesquelles, l’actuel ministre de l’intérieur, semble se glisser confortablement.
Les demandeurs d'asile doivent intégrer des dispositifs qui leurs sont propres ; les CADA
et HUDA sont censés les accueillir ; les envoyer vers le 115 en les mettant en concurrence avec
les populations françaises SDF pour des places trop rares ne peut qu'encourager le racisme.

L'asile n'est pas un vain mot ; il répond à une législation précise et à une certaine éthique
politique. C'est un des premiers droits fondamentaux respecté dès le Moyen-âge... Aussi, ici
comme ailleurs, ce sont bien aux représentants du peuple, à ceux qui prétendent gouverner de
mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour respecter les textes de loi.

Les êtres humains ne quittent pas leur environnement familier de gaieté de coeur. Pour la
plupart, ces personnes avaient des situations relativement aisées, voire très confortables, ainsi
que des niveaux d’éducation souvent très élevés. Comment pouvez vous croire ou laisser croire
que les gens de Tchétchénie ou de Somalie viennent après avoir reçu un coup de téléphone
d’Angers, leur disant qu’ici il y a de très confortables hôtels ? Êtes-vous à ce point convaincu
que l'on quitte son pays, sa famille et ses amis juste par plaisir ou par lubie ? C'est une
méconnaissance certaine des situations réelles vécues par ces personnes.

Le gymnase militaire, mis à disposition de 19 personnes est indigne - et la courtoisie
nous oblige à choisir les mots ! Il semblerait, en outre, que le principal trouble de voisinage
serait dû à des voisins bruyants et non à des gens qui ont le tort d’être de couleur différente.
L'ouverture de ce gymnase spartiate répond à un but exprimé par ces mots : ne pas
encourager ce « fameux appel d'air » dont on nous parle sans cesse, comme un leitmotiv
inaudible mais bien pratique quand on n'a rien d'autre à dire.

L’engorgement de l’asile est du à la pression des quotas sur l’Office de « Protection »
des Réfugiés et Apatrides, et non à leur nombre. En effet, les demandeurs ont fui des
persécutions qui auparavant, leur étaient reconnues, et qui maintenant, toujours en raison d’une
effrayante idéologie leur sont déniées. Le résultat est un parcours absolument, « kafkaïen »,
pour parvenir à être protégé. Pourquoi, à la fin des années 80, avec un nombre bien plus
grand de réfugiés, cela ne présentait pas de problème pour les accueillir, et que
maintenant cela serait insoutenable ?

Quant aux autres villes, la situation est identique, sinon pire : il s’agit d’une politique
nationale… Nous le savons et vous le savez aussi !. Rennes, La Roche-sur-Yon, Nantes,
Rouen, Toulouse, toutes ces villes connaissent le même phénomène. Angers n'a pas le
monopole de l'attractivité... Les squats de Rennes menacés d'expulsion regroupent plus de
quatre cent personnes. Un phénomène qui devient problématique davantage encore quand on
continue de réduire drastiquement les places comme c'est le cas sur tout le territoire national.
Quant à votre assimilation du sans logis type à un « vieil alcoolique fatigué », les jeunes
français qui vivent à la rue ne pourront qu'apprécier l'estime dans laquelle vous les tenez...
Il est vrai que nous n'espérions pas grand chose du changement mais de là à envisager
que les situations continueraient à se dégrader, que le nouveau gouvernement poursuivrait le
travail entrepris par ses prédécesseurs, cela nous interpelle.

Les personnes qui viennent jusqu'ici cherchent une seule chose : pouvoir mener une
existence pleine et entière, faire valoir leurs droits humains. C'est à nous d'exprimer haut et fort
la primauté de ces droits sur toute autre considération. Nous ne demandons pas autre chose
que le respect des lois. Sur ce point, vous ne devriez que nous rejoindre.

Le CSSP49

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