Publié sur https://fr.squat.net/2014/05/29/calais-le-prefet-dit-aux-migrants-de-squatter/
Calais: Le préfet dit aux migrants de squatter
C’est par cette
déclaration surprenante que le préfet conclut cet épisode qui a
duré une dizaine d’heures aujourd’hui. Il l’a dit aux exilés
par l’intermédiaire de son représentant dans le cadre des
négociations qui ont eu lieu aujourd’hui, il l’a dit
publiquement lors de sa conférence de presse à 15h.
Il ne l’a bien sûr pas
dit comme ça, mais sa conclusion était que les exilés pouvaient
rester sur le lieu de distribution des repas jusqu’à demain ou
après-demain, et qu’ils pouvaient ensuite trouver un terrain pour
installer leur campement.
Sauf que, si l’État ne
met pas à disposition un terrain, ça veut dire que les exilés
installent leur campement sans l’autorisation du propriétaire,
donc ils squattent. Il font comme depuis douze ans, occuper un
terrain où ils n’ont pas le droit d’être parce qu’il n’y a
pas de lieu pour eux à Calais. Et ce campement sera lui aussi évacué
et détruit à plus ou moins brève échéance.
Le 4 octobre 2013,
lorsque les exilés syriens ont décidé de lever leur occupation de
l’accès piéton du port de Calais, le préfet leur avait déjà
dit officieusement qu’ils pouvaient s’installer sur un terrain
près du port et que la police les y laisseraient tranquilles. C’est
l’un des trois camps qui a été détruit ce matin. Et c’est le
même préfet qui dit maintenant, cette fois officiellement : trouvez
un terrain à squatter et faites un autre campement.
Tout le déroulement de
cette journée relève de cet alliage entre contradictions, bricolage
et improvisation.
Une partie des exilés
s’étaient regroupés sur le lieu aménagé pour la distribution
des repas dès la nuit de lundi à mardi (voir ici), en signe de
protestation contre les expulsions et pour revendiquer une solution,
un lieu où puissent rester. La plupart des autres habitants des
campements menacés les ont rejoints la nuit dernière et au petit
matin.
Lorsque la police est
venue au campement du bassin de la Batellerie (voit ici), seuls deux
exilés étaient encore là, dans une tente, refusant de partir. L’un
a finit par partir, l’autre est monté dans l’un
des deux bus prévu pour
emmener les personnes à la douche, deuxième partie du “plan de
traitement de la gale” commencé la veille (voir ici et là).
Les gendarmes mobiles ont
ensuite encerclé le campement de la rue Lamy (voir ici), qui est
juste en face du lieu de distribution des repas. C’est un détail,
mais les gendarmes n’ont pas tout d’abord coupé la circulation,
et on a eu pendant tout un moment des voitures et des autobus tentant
de se frayer un chemin dans la foule, journalistes, exilés,
militants, gendarmes. Un détail qui témoigne de l’absence
d’organisation.
Les gendarmes ont ensuite
ratissé le camp tente par tente pour trouver les quelques personnes
qui étaient restées là. Ça a duré longtemps. Pendant ce temps,
quatre bus se sont garés pour emmener les exilés aux douches. Des
explications ont été données au mégaphone, mais personne n’est
allé dans les bus. Des exilés ont expliqué que ces bus étaient
entourés par les mêmes policiers qui les arrêtent et qui les
tabassent, et qu’il n’avaient pas confiance.
Le temps passait dans une
ambiance sans agressivité. On a appris que la maire de Calais avait
porté plainte pour une dégradation du grillage du lieu de
distribution des repas et demandé son évacuation. Et c’est
soudainement que des gendarmes mobiles ont sectionné la clôture du
lieu
de distribution des repas
en deux endroits, de l’autre côté, rue de Moscou, pour pénétrer
de force. Des exilés se sont précipités, les ont repoussés et ont
colmaté les brèches.
Il y a eu un moment de
flottement. Puis le directeur départemental de la cohésion sociale
(DDCS) est venu seul dans le lieu de distribution pour discuter. S’en
ai suivi une négociation de plusieurs heures, portant sur les
douches, la proposition de nuitées d’hôtel à Arras ou Béthune
pour les personnes prenant leur douche, puis cet accord de statut quo
au lieu de distribution pour une ou deux nuits suivi d’une
invitation à squatter des terrains.
L’État n’a pas
franchi le pas de mettre à disposition un ou plusieurs terrains où
les exilés puissent s’installer sans risque d’expulsion, et où
puissent être mises en place des conditions de vie compatibles avec
un minimum de dignité et d’hygiène – et où il soit possible de
soigner de manière sérieuse une maladie comme la gale.
Les choses sont donc
restées en tension. Les exilés se sont réunis en soirée pour
discuter de la suite.
[Publié le 29 mai 2014
sur le blog Passeurs d'hospitalités]
https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2014/05/29/le-prefet-dit-au-migrants-de-squatter/
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