https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2014/06/18/theatre-dombres/
Après trois semaines de silence et de refus de communiquer tant avec les
associations qu’avec les journalistes, le préfet du Pas-de-Calais
invitait aujourd’hui les associations à une réunion et les médias à une
conférence de presse. On s’attendait à une annonce allant soit dans le
sens du pire (l’expulsion du lieu de distribution des repas, comme il avait annoncé le 21 mai la destruction de trois campements),
soit dans le sens d’une amélioration (la proposition d’un lieu où
pourraient s’installer les personnes qui occupent le lieu de
distribution des repas, et qui pourrait dans l’urgence être équipé comme
pourrait l’être un camp de réfugié – accès à l’eau, toilettes, douches,
repas ou possibilité de cuisiner, ramassage des déchets – on n’espérait
pas de l’État qu’il aille au-delà du minimum vital).
Au lieu de ça on a eu le vide, assorti d’un vague chiffon agité pour faire diversion.
Le préfet a répété que les exilés devaient quitter le lieu de
distribution des repas. À la question "pour aller ou ?" il ne donne pas
de réponse. Après avoir invité les exilés à squatter, il leur propose de disparaitre.
Au passage, il annonce que l’accueil des femmes exilées qui avait été
mis en place jusqu’au 30 juin serait prolongé jusqu’en octobre dans un
autre lieu – seule bonne nouvelle de la journée. Le squat ouvert par No
Border avenue Victor Hugo avait été repris par une association
d’insertion, Solid’R, plutôt qu’expulsé. Il accueille aujourd’hui plus
de 60 femmes et enfants dans une maison qui serait normalement habitée
par un couple avec enfants. Un déménagement s’impose donc. Mais cet
accueil reste précaire, il n’y a pas de visibilité au-delà du mois
d’octobre.
Par contre, interrogé sur les trois squats qui accueillent des exilés
rue de Vic, rue Auber et rue Massena (presque une centaine d’habitants
en tout), pour lesquels un jugement d’expulsion a été rendu, le préfet
déclare qu’ils peuvent être évacués à tout moment.
Interpelé sur les violences policières (voir ici et là), à propos desquelles un document lui est remis, le préfet répond qu’il s’agit de "fantasmes".
Vide et absence de dialogue, donc.
Et un chiffon pour faire diversion : les personnes qui choisiront de
demander l’asile en France se verront faciliter l’accès à la procédure
et à un hébergement.
Début d’après-midi au lieu de distribution des repas, les informations
sur la réunion du matin circulent de groupe en groupe, une réunion
plénière s’esquisse mais se dissout dans les discussions en groupe.
Invités par les exilés, les médias arrivent vers 15h, les interview se
croisent.
Vers 17h arrivent le sous-préfet et le directeur départemental de la
cohésion sociale, qui réexpliquent aux exilés les décisions de l’État,
et présentent comme "la main tendue de la France" la possibilité de
demander l’asile, alors qu’il s’agit du simple respect de la loi et des
conventions internationales. Ils détaillent : enregistrement immédiat de
la demande (il faut actuellement passer deux mois à la rue à Calais,
six mois à Paris, pour obtenir un rendez-vous à la préfecture pour
déposer sa demande d’asile, en violation de la législation européenne);
hébergement (ce qui est le strict respect de la législation française
européenne); traitement de la demande en trois mois, ce qui est mieux
que les délais actuels, à condition que la réduction de la durée ne
signifie pas traitement par dessus la jambe. Discussion avec des exilés,
pas de réponse à leurs objections.
Vers 19h arrive l’invité surprise de la journée, le directeur général de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), qui décrit à nouveau le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile qui doit être mis en place.
Question : quel accompagnement pour ces demandeurs d’asile qui vont être
hébergés aux quatre coins de la France, généralement dans des foyers
d’hébergement d’urgence peu préparés pour ça, qu’il s’agisse de la
rédaction en français de leur récit de vie et de la préparation de leur
entretien – décisif – avec l’OFPRA, ou des démarches administratives
pour accéder à leurs droits en tant que demandeurs d’asile ? Pas de
réponse.
Question : qu’en est-il des demandeurs d’asile qui pourraient être
renvoyés vers un autre pays européen en vertu du règlement Dublin III,
une part importe des personnes présentes dont les empreintes digitales
ont été prises à leur entrée dans l’Union européenne ? Pas de réponse.
Fin de la comédie. Le directeur général de l’OFPRA part en laissant des
questions vitales sans réponse. Le tout laissant une impression de
bricolage, comme le prétendu traitement de la gale et l’hébergement de mineurs pendant cinq jours dans la campagne béthunoise.
Jeu de bonneteau au lieu de distribution des repas : sous quel gobelet se trouve l’asile ?
Tel
un dieu descendu des cintres dans un acte d’opéra, le directeur général
de l’OFPRA annonce l’asile à ceux qui pour la plupart ne pourront pas
en bénéficier tant sont pipées les procédures européennes et françaises.
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