Droit d’asile : Autre temps, autre mœurs
Quand, le 11 septembre
1973, le coup d’État militaire de Pinochet abat le gouvernement
légitime au Chili, la société civile française s’émeut et se
mobilise. Près de 500 000 Chiliens vont devoir s’enfuir. Les
formations de la gauche française, y compris le Parti socialiste,
demandent au président Pompidou de déclarer que la France est prête
à offrir l’asile aux exilés chiliens. Dix à quinze mille y
trouveront refuge. Avec la Suède, la France devient le principal
pays d’accueil en Europe et reconnaît avec largesse le statut de
réfugié à celles et à ceux qui le sollicitent.
Quarante ans plus tard,
la Syrie est à feu et à sang. Plus de deux millions de Syriens ont
fui la guerre civile. Tandis que la Turquie, le Liban, la Jordanie et
l’Irak sont débordés par les arrivées de réfugiés, l’Europe,
à l’exception de la Suède, leur oppose contingentement de visas
et barrières policières. Et la France, dont le ministre des
affaires étrangères déclare que « la tragédie syrienne peut être
la pire catastrophe humanitaire de ce début de siècle » et dont le
Président est prêt à s’engager dans une intervention militaire
pour punir un régime qui s’attaque aux populations civiles de son
pays, justifie cette politique par la saturation de son dispositif
d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile...
On s’emploie donc, en
amont, à éviter les demandes d’asile. C’est dans ce but que le
gouvernement a décidé en janvier 2013, en toute discrétion,
d’imposer un « visa de transit aéroportuaire » (« VTA ») à
celles et à ceux qui, devant transiter par un aéroport français,
profiteraient d’une escale pour solliciter une protection. [2]
Quant à la pincée de
Syriens qui ont réussi à entrer dans l’Hexagone, si une partie
obtient assez aisément le statut de réfugié ou la protection
subsidiaire, beaucoup, empêchés de s’adresser à la France par le
Règlement « Dublin 2 », finissent par gagner Calais d’où ils
espèrent fuir un pays qui déploie son hostilité à leur encontre.
Ils sont pourchassés jusque dans les squats insalubres où on les a
condamnés à se cacher.
Autre temps, autres
mœurs. Quarante ans après avoir apporté un soutien actif aux
Chiliens, la société civile française n’a pas bronché.
L’Union européenne non
plus, qui ne songe même pas à offrir aux Syriens la « protection
temporaire » prévue en cas d’afflux massif du fait d’un
conflit. Pas plus qu’elle ne l’avait offerte aux Afghans, aux
Irakiens et aux milliers d’Africains qui, en 2011, ont dû fuir la
Libye.
À quarante ans de
distance, la France et l’Europe sont devenues incapables de la
moindre solidarité à l’égard des femmes et des hommes victimes
de persécutions. L’« espace de liberté, de sécurité et de
justice », censé caractériser l’Europe, et dans lequel l’asile
serait un élément central, n’existe que pour la galerie. A la
différence des Chiliens d’antan, les Syriens d’aujourd’hui
peuvent mourir à ses portes sans qu’elle s’en soucie.
Le 11 septembre 2013
*Organisations
signataires :
Association d’accueil
aux médecins et personnels de santé réfugiés en France (APSR),
Collectif de soutien des exilés (Paris), Dom’Asile, Fédération
des associations de solidarité avec les travailleur·e·s
immigré·e·s (Fasti), Groupe d’information et de soutien des
immigré·e·s (Gisti), Jesuit Refugee Service (JRS) France, la
Cimade, la Marmite aux idées (Calais), Ligue des droits de l’homme,
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples
(Mrap), Réseau Éducation sans frontières (RESF), Terre d’errance
Norrent-Fontes (Pas-de-Calais)*
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