mercredi 23 janvier 2013

Eclairages Juridiques (Volet 3)

Ci-après, un petit aperçu juridique sur les obligations des autorités vis à vis des populations du « Village » et des droits subséquents de ses habitants. Ce qui saute aux yeux c'est la complète illégalité des pouvoirs qu'ils soient administratifs (la Préfecture) ou locaux (Mairie). Mais cela n'est pas spécifique à Angers vu les échos que nous recevons des autres villes.

Si le Conseil général « semble » épargné, ce n'est qu'en apparence car lui aussi est illégal au sens de sa responsabilité vis à vis de l'aide à l'enfance. Le Conseil général a été condamné récemment « sur le fond » par le Tribunal administratif de Nantes pour n'avoir pas soutenu une famille en difficulté. Il s'est, de plus, placé hors la loi en refusant d'obtempérer à l'injonction du Tribunal !

Concernant les Rroms

Sur la question des Rroms européens - roumains et bulgares -, rien n'est mentionné dans le droit français sous prétexte hypocrite de ne pas discriminer (même positivement!). En niant un problème spécifique - la question Rrom - on évite de chercher des réponses. Cette discrimination existe pourtant.

Le discours ignoble de Grenoble a pourtant déclenché - a contrario - une prise de conscience européenne de l'urgence du problème mais malheureusement sans dépasser des recommandations aux états. La Charte du Peuple Rromani proposée par les associations Rrom, sorte de statut-cadre, n'a toujours pas été approuvée ni par le parlement, ni par la commission. Le pouvoir de Bruxelles si contraignant quand il s'agit de commerce et de libre-échange sait se montrer discret quand il s'agit de la reconnaissance du premier peuple historiquement européen. La France y est pour quelque chose car les différents gouvernements, de droite comme de gauche, ont une notion essentiellement territoriale de la nation. Voici ce qu'en dit le « statut-cadre du peuple rrom en union européenne » des
organisations rromani :

« L'Union Européenne reconnaît sur l'ensemble du territoire de ses Etats-Membres l'existence d'une Nation Rromani sans territoire compact, dont la définition est celle que celle-ci se donne elle-même dans les termes de la présente Charte. En conséquence, l'Union Européenne proclame la nation rromani vivant sur son territoire l'une des nations européennes constitutives de l'Europe en pleine égalité avec toutes les autres nations qui la constituent, indépendamment de leurs rapports à des Etats et à des territoires. »

Cette reconnaissance, par l'UE de la Nation Rromani n'a jamais dépassé le cadre des états existants. On comprendra aisément que les pays européens crispés sur leurs frontières ne pouvaient admettre qu'un peuple sans aucun territoire particulier puisse transcender ces frontières et constitue la 28ème nation à part entière de la communauté européenne.

Bruxelles, cédant à la logique des états, n'a proposé qu'une stratégie cadre par état pour la minorité Rrom et non une stratégie européenne pour la Nation Rromani en tant que telle. En s'attaquant aux conséquences sociales de la discrimination - logement, emploi, santé, éducation -, elles ont, en fait, éluder les causes qui ne sont pas strictement nationales. Il ne s'agit pas d'une minorité ethnique discriminée par tel ou tel état mais une nation sans territoire discriminée, à des degrés différents, dans toute l'Europe.

Les réponses de l'Etat Français satisfont en apparence les exigences de ces stratégies avec les villages d'insertion. Ces villages d'insertion ne sont, en fait que des mises à l'écart de ces populations, avec en prime, un contrôle social renforcé.

Il y a plus d'un an et demi , nous avions proposé, au cours d'un entretien avec la responsable des services techniques de la ville, une solution sous forme de coopérative de récupération des déchets pouvant leur assurer l'autonomie économique, fondement de l'intégration sociale. Ce n'est pas le lieu de développer plus avant mais elle devait en référer aux décideurs politiques ;nous n'avons jamais eu de nouvelles. Ce projet reste ouvert mais sa condition première pour exister est une stabilité du foyer des acteurs !


Concernant les SDF

Nous nous sommes permis, mais c'est pour la bonne cause, d' « emprunter » au DAL un de ces communiqués sur une victoire à mettre à son actif :

Communiqué du DAL (Paris, 10 février 2012)

«  Le Conseil d’État reconnaît que le droit à l’hébergement d’urgence est une liberté fondamentale. Par un arrêt historique rendu aujourd’hui, suite à une requête du DAL et communiqué en début d’après midi, le Conseil d’État a reconnu : « qu’il appartient aux autorités de l’État de mettre en oeuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche, peut, contrairement à ce qu’a estimé le juge de référé de première instance, faire apparaître pour l’application de l’article L.521-2 du code de la justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ».

Cette décision permet à toute personne sans abri, quelque soit sa situation administrative, qui a saisi en vain le dispositif de veille social (115 ...) , de saisir le tribunal administratif en “référé liberté”, et d’obtenir une décision portant injonction à l’État de l’héberger.

Cette décision est historique car elle ouvre enfin un recours effectif pour faire respecter les droits de tous les sans abris. En effet, si la loi était appliquée et respectée, il n’y aurait plus de sans abri dans notre pays. Cet arrêt impose à l’État de mettre en oeuvre tout les moyens nécessaires à leur accueil, et par ce fait, au maintien jusqu’à leur relogement.

Compte tenu à la fois du nombre de personnes logées dans des conditions de grande précarité et du nombre de logements vacants, l'application de la loi de réquisition se justifie pleinement. en attendant de réaliser massivement des logements sociaux, et de faire baisser le prix des logements et des loyers.

Le DAL demande au Gouvernement de tirer immédiatement les conséquence de cette décision, en ordonnant aux Préfets de mobiliser et si nécessaire de réquisitionner tous les locaux et logements permettant la mise en oeuvre des droits des sans abri, de permettre l'accueil de toute personne sans logis et de ne plus en remettre une seule personne dans la rue contre sa volonté. Et bien entendu, de suspendre les expulsions.


Nous avons proposé aux responsables municipaux de tenir une permanence des travailleurs sociaux des services concernés pour orienter les jeunes du Village vers un autre avenir que la rue ! Si nous avons été écoutés, nous n'avons pas été entendus ! Il y a pourtant une réelle demande des habitants-occupants...

Ci-dessus, quelques extraits des textes de loi :

Accueil inconditionnel des sans abri

Article L345-2-2 (code de l’action sociale)

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, …»

Article L345-2-3 :

« Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

Loi DALO

Article L300-1 et suites (code de la construction) :

« Le droit à un logement décent et indépendant, … est garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. »

Loi de réquisition des logements vacants

Article L641-1 (code de la construction) :

« Sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire, le représentant de l'Etat dans le département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d'un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d'habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés, en vue de les attribuer aux personnes mentionnées à l'article L. 641-2. »

Article L641-2« Sont seules susceptibles de bénéficier des dispositions du présent titre : Les personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes ; Les personnes à l'encontre desquelles une décision judiciaire définitive ordonnant leur expulsion est intervenue »

Concernant les demandeurs d'asile

La Directive 2003/9 définit les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile. Ces conditions comprennent le logement, la nourriture et l'habillement fournis en nature ou sous forme d'allocation financières ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière.

Les Etats Membres doivent faire en sorte que les demandeurs d'asile puissent accéder à ces conditions matérielles d'accueil. Malheureusement, en pratique, et cela se vérifie dans de nombreux départements, les droits des demandeurs d'asile sont très souvent bafoués. Aux yeux des autorités, ils sont soupçonnés presque par avance d'être des fraudeurs « en puissance ». Ainsi la procédure prioritaire (moins favorable aux demandeurs d'asile) devient la norme et fragilise encore un peu plus ces personnes venus trouver refuge et protection en France.

La demande d'asile est une procédure longue et complexe. Durant son traitement, les demandeurs d'asile, en particulier ceux qui ne sont pas logés en CADA, se trouvent dans une situation encore plus délicate. Sans accompagnement, sans la présence de travailleurs sociaux ou de bénévoles à leurs côtés, leur demandeur d'asile voit ses chances d'être reconnu comme réfugié s'amoindrir. Là aussi l'enjeu d'un peu de stabilité n'est pas à démontrer. Comment se construire, se reconstruire, comment répondre à l'exigence des démarches administratives quand la survie est permanente.

Ci-dessus, un lien sur les obligations qui incombent aux Etats.



En guise de conclusion

Pour les uns comme pour les autres, habiter au Village n'est pas qu'une question de logement ou d'hébergement. Le logement permet d'être en sécurité, permet de satisfaire aux besoins fondamentaux de la personne humaine, et ce quel que soit la situation administrative ou juridique des personnes concernées.

Demander aux autorités et aux décideurs de respecter ces éléments n'a donc rien d'une fantaisie ou d'une posture idéologique. Il s'agit de respecter la personne humaine, de respecter nombre de textes législatifs nationaux comme internationaux, de se conformer finalement à ce qui doit régir notre attitude vis-à-vis de ceux et celles qui, à un moment de leur vie, de leur parcours, ont besoin de s'abriter, de se réfugier, d'être soutenu.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire