Ci-après, un petit
aperçu juridique sur les obligations des autorités vis à vis des
populations du « Village » et des droits subséquents de ses
habitants. Ce qui saute aux yeux c'est la complète illégalité des
pouvoirs qu'ils soient administratifs (la Préfecture) ou locaux
(Mairie). Mais cela n'est pas spécifique à Angers vu les échos que
nous recevons des autres villes.
Si le Conseil général «
semble » épargné, ce n'est qu'en apparence car lui aussi est
illégal au sens de sa responsabilité vis à vis de l'aide à
l'enfance. Le Conseil général a été condamné récemment « sur
le fond » par le Tribunal administratif de Nantes pour n'avoir pas
soutenu une famille en difficulté. Il s'est, de plus, placé hors la
loi en refusant d'obtempérer à l'injonction du Tribunal !
Concernant
les Rroms
Sur la question des
Rroms européens - roumains et bulgares -, rien n'est mentionné dans
le droit français sous prétexte hypocrite de ne pas discriminer
(même positivement!). En niant un problème spécifique - la
question Rrom - on évite de chercher des réponses. Cette
discrimination existe pourtant.
Le discours ignoble de
Grenoble a pourtant déclenché - a contrario - une prise de
conscience européenne de l'urgence du problème mais malheureusement
sans dépasser des recommandations aux états. La Charte du
Peuple Rromani proposée par les associations Rrom, sorte de
statut-cadre, n'a toujours pas été approuvée ni par le parlement,
ni par la commission. Le pouvoir de Bruxelles si contraignant quand
il s'agit de commerce et de libre-échange sait se montrer discret
quand il s'agit de la reconnaissance du premier peuple historiquement
européen. La France y est pour quelque chose car les différents
gouvernements, de droite comme de gauche, ont une notion
essentiellement territoriale de la
nation. Voici ce qu'en dit le « statut-cadre du peuple rrom en union
européenne » des
organisations rromani :
« L'Union Européenne
reconnaît sur l'ensemble du territoire de ses Etats-Membres
l'existence d'une Nation Rromani sans territoire compact, dont la
définition est celle que celle-ci se donne elle-même dans les
termes de la présente Charte. En conséquence, l'Union Européenne
proclame la nation rromani vivant sur son territoire l'une des
nations européennes constitutives de l'Europe en pleine égalité
avec toutes les autres nations qui la constituent, indépendamment de
leurs rapports à des Etats et à des territoires. »
Cette reconnaissance, par
l'UE de la Nation Rromani n'a jamais dépassé le cadre des états
existants. On comprendra aisément que les pays européens crispés
sur leurs frontières ne pouvaient admettre qu'un peuple sans aucun
territoire particulier puisse transcender ces frontières et
constitue la 28ème nation à part entière de la communauté
européenne.
Bruxelles, cédant à la
logique des états, n'a proposé qu'une stratégie cadre par état
pour la minorité Rrom et non une stratégie européenne pour la
Nation Rromani en tant que telle. En s'attaquant aux conséquences
sociales de la discrimination - logement, emploi, santé, éducation
-, elles ont, en fait, éluder les causes qui ne sont pas strictement
nationales. Il ne s'agit pas d'une minorité ethnique discriminée
par tel ou tel état mais une nation sans territoire discriminée, à
des degrés différents, dans toute l'Europe.
Les réponses de l'Etat
Français satisfont en apparence les exigences de ces stratégies
avec les villages d'insertion. Ces villages d'insertion ne sont, en
fait que des mises à l'écart de ces populations, avec en prime, un
contrôle social renforcé.
Il y a plus d'un an et
demi , nous avions proposé, au cours d'un entretien avec la
responsable des services techniques de la ville, une solution sous
forme de coopérative de récupération des déchets pouvant leur
assurer l'autonomie économique, fondement de l'intégration sociale.
Ce n'est pas le lieu de
développer plus avant mais elle devait en référer aux décideurs
politiques ;nous n'avons jamais eu de nouvelles. Ce projet reste
ouvert mais sa condition première pour exister est une stabilité du
foyer des acteurs !
Concernant
les SDF
Nous nous sommes permis,
mais c'est pour la bonne cause, d' « emprunter » au DAL un de ces
communiqués sur une victoire à mettre à son actif :
Communiqué du DAL
(Paris, 10 février 2012)
« Le Conseil
d’État reconnaît que le droit à l’hébergement d’urgence est
une liberté fondamentale. Par un arrêt historique rendu
aujourd’hui, suite à une requête du DAL et communiqué en début
d’après midi, le Conseil d’État a reconnu : « qu’il
appartient aux autorités de l’État de mettre en oeuvre le droit à
l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne
sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale,
psychique et sociale; qu’une carence caractérisée dans
l’accomplissement de cette tâche, peut, contrairement à ce qu’a
estimé le juge de référé de première instance, faire apparaître
pour l’application de l’article L.521-2 du code de la justice
administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une
liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences
graves pour la personne intéressée ».
Cette décision permet à
toute personne sans abri, quelque soit sa situation administrative,
qui a saisi en vain le dispositif de veille social (115 ...) , de
saisir le tribunal administratif en “référé liberté”, et
d’obtenir une décision portant injonction à l’État de
l’héberger.
Cette décision est
historique car elle ouvre enfin un recours effectif pour faire
respecter les droits de tous les sans abris. En effet, si la loi
était appliquée et respectée, il n’y aurait plus de sans abri
dans notre pays. Cet arrêt impose à l’État de mettre en oeuvre
tout les moyens nécessaires à leur accueil, et par ce fait, au
maintien jusqu’à leur relogement.
Compte tenu à la fois du
nombre de personnes logées dans des conditions de grande précarité
et du nombre de logements vacants, l'application de la loi de
réquisition se justifie pleinement. en attendant de réaliser
massivement des logements sociaux, et de faire baisser le prix des
logements et des loyers.
Le DAL demande au
Gouvernement de tirer immédiatement les conséquence de cette
décision, en ordonnant aux Préfets de mobiliser et si nécessaire
de réquisitionner tous les locaux et logements permettant la mise en
oeuvre des droits des sans abri, de permettre l'accueil de toute
personne sans logis et de ne plus en remettre une seule personne dans
la rue contre sa volonté. Et bien entendu, de suspendre les
expulsions.
Nous avons proposé aux
responsables municipaux de tenir une permanence des travailleurs
sociaux des services concernés pour orienter les jeunes du Village
vers un autre avenir que la rue ! Si nous avons été écoutés,
nous n'avons pas été entendus ! Il y a pourtant une réelle
demande des habitants-occupants...
Ci-dessus, quelques
extraits des textes de loi :
Accueil inconditionnel
des sans abri
Article L345-2-2 (code de
l’action sociale)
« Toute personne
sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a
accès, à tout moment, à un
dispositif d'hébergement d'urgence. Cet hébergement d'urgence doit
lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité
de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le
gîte, le couvert et l'hygiène, …»
Article L345-2-3 :
« Toute personne
accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y
bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès
lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit
proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure
d'hébergement stable ou de soins, ou
vers un logement, adaptés à sa situation. »
Loi
DALO
Article L300-1 et suites
(code de la construction) :
« Le droit à un
logement décent et indépendant, … est garanti par l'Etat à toute
personne qui, résidant sur le territoire français de façon
régulière et dans des conditions de permanence définies par décret
en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres
moyens ou de s'y maintenir. »
Loi de réquisition
des logements vacants
Article L641-1 (code de
la construction) :
« Sur proposition du
service municipal du logement et après avis du maire, le
représentant de l'Etat dans le
département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée
maximum d'un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou
totale des locaux à usage d'habitation vacants, inoccupés ou
insuffisamment occupés, en vue de les attribuer aux personnes
mentionnées à l'article L. 641-2. »
Article L641-2« Sont
seules susceptibles de bénéficier des dispositions du présent
titre : Les personnes dépourvues de logement ou logées dans des
conditions manifestement insuffisantes ; Les personnes à l'encontre
desquelles une décision judiciaire définitive ordonnant leur
expulsion est intervenue »
Concernant
les demandeurs d'asile
La
Directive 2003/9 définit les conditions matérielles d'accueil des
demandeurs d'asile. Ces conditions comprennent le logement, la
nourriture et l'habillement fournis en nature ou sous forme
d'allocation financières ou de bons, ainsi qu'une allocation
journalière.
Les
Etats Membres doivent faire en sorte que les demandeurs d'asile
puissent accéder à ces conditions matérielles d'accueil.
Malheureusement, en pratique, et cela se vérifie dans de nombreux
départements, les droits des demandeurs d'asile sont très souvent
bafoués. Aux yeux des autorités, ils sont soupçonnés presque par
avance d'être des fraudeurs « en puissance ». Ainsi la
procédure prioritaire (moins favorable aux demandeurs d'asile)
devient la norme et fragilise encore un peu plus ces personnes venus
trouver refuge et protection en France.
La
demande d'asile est une procédure longue et complexe. Durant son
traitement, les demandeurs d'asile, en particulier ceux qui ne sont
pas logés en CADA, se trouvent dans une situation encore plus
délicate. Sans accompagnement, sans la présence de travailleurs
sociaux ou de bénévoles à leurs côtés, leur demandeur d'asile
voit ses chances d'être reconnu comme réfugié s'amoindrir. Là
aussi l'enjeu d'un peu de stabilité n'est pas à démontrer. Comment
se construire, se reconstruire, comment répondre à l'exigence des
démarches administratives quand la survie est permanente.
Ci-dessus,
un lien sur les obligations qui incombent aux Etats.
En guise de conclusion
Pour
les uns comme pour les autres, habiter au Village n'est pas qu'une
question de logement ou d'hébergement. Le logement permet d'être en
sécurité, permet de satisfaire aux besoins fondamentaux de la
personne humaine, et ce quel que soit la situation administrative ou
juridique des personnes concernées.
Demander
aux autorités et aux décideurs de respecter ces éléments n'a donc
rien d'une fantaisie ou d'une posture idéologique. Il s'agit de
respecter la personne humaine, de respecter nombre de textes
législatifs nationaux comme internationaux, de se conformer
finalement à ce qui doit régir notre attitude vis-à-vis de ceux et
celles qui, à un moment de leur vie, de leur parcours, ont besoin de
s'abriter, de se réfugier, d'être soutenu.
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